Les plastiques à usage unique au sein de la restauration collective en 2021 : un sujet trop ignoré

Les plastiques à usage unique au sein de la restauration collective en 2021 : un sujet trop ignoré

Réduire les plastiques à usage unique dans les restaurants des collèges et lycées

Durant les mois de mai et juin précédant les élections Départementales et Régionales, nous avons créé un document portant des engagements pour les candidats et futurs élus du Loiret et de la région Centre Val de Loire. Dans les 6 engagements soumis, le second est de « Réduire les plastiques à usage unique dans les restaurants des collèges et lycées d’ici 2023 » avec comme précision « Et expérimenter des alternatives aux PPUU dès 2022 ».

Cet article a pour objectif d’alimenter l’engagement, d’être une base d’information et de travail en présentant la situation actuelle, démontrant les possibilités qui existent, les expérimentations possibles, et réunissant des sources permettant la réalisation de cet engagement.

Introduction générale

Nous le savons, l’un des problèmes majeurs causé par les plastiques est le risque sanitaire qu’ils encourent. Le plastique a été une formidable découverte afin de réduire les risques bactériologiques dans le domaine de la restauration, mais aujourd’hui nous avons la connaissance que les plastiques sont des perturbateurs endocriniens à cause des composés chimiques qui les constitues.

Pour les néophytes, et pour rappeler à tous ce que nous risquons avec ces perturbateurs endocriniens, l’OMS les définis comme « une substance ou un mélange de substances, qui altère les fonctions du système endocrinien et de ce fait induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)- populations ». Ils interfèrent lors de la croissance, la reproduction, le comportement, notre immunité, le système nerveux, le développement d’un fœtus et ont des effets métaboliques ou encore neuro-développementaux. De façon démonstrative, ce sont des risques de cancers, de malformations, d’infertilité, d’obésité, et autres pathologies.

Le risque environnemental est aussi scientifiquement prouvé, évalué par des ONG et autres travaux d’élus, de même que chacun peut être témoin de la situation critique lors de ramassages ou en observant nos rues, bords de routes, plages, cours d’eau, forêts et autres lieux.

Pour rappel, en France, 45,1% de la production de plastique est composée d’emballages à usage unique (Union Européenne : 39,9%), qu’ils soient recyclés (9% dans le monde et 26% en France), enfouis ou incinérés comme cela se fait beaucoup dans notre pays, ils finiront inéluctablement dans nos océans un jour, qu’importe leurs formes.

Commençons par deux exemples : le premier, Strasbourg, ville de 280.000 habitants, correspondant parfaitement à la métropole d’Orléans comprenant 22 communes, a décidé en 2017 de se lancer dans un objectif « 100% inox en 2020 » au sein de ses restaurants scolaires. L’inox est réutilisable à vie et permet aujourd’hui à la commune de ne pas utiliser 1 million de barquettes en plastique par an.

Le second, la commune de Saint-Cyr-sur-Loire dans l’Indre-et-Loire (15.000 habitants) a aussi choisi au début de l’année scolaire 2020/2021 de changer les contenants plastiques par des contenants en inox, tout en préservant les familles de la hausse des prix du repas, même si elle est de 2,6% pour la municipalité.

 

Peu à peu, grâce à des associations et parents d’élèves qui alertent, des élus prennent conscience de l’urgence des enjeux environnementaux et sanitaire du plastique.

Cependant, l’Association des Maires de France qui a réalisé des groupes de travail autour du plastique, explique que les freins liés à cette transition sont la complexité technique, le manque de curiosité des élus ainsi qu’un manque d’intérêt et de temps. Nous ne parlons même pas des « plasticosceptiques » …

Où en sommes-nous ?

Aujourd’hui, plusieurs lois telle que la loi Egalim encadrent l’utilisation des plastiques et les suppriment au fur et à mesure. En effet, depuis le 1er janvier 2020, les gobelets, verres et assiettes en plastique jetable sont interdits. De même que les bouteilles d’eau en plastique dans les restaurants scolaires (saufs cas exceptionnels), ont été remplacées par des bouteilles en verre ou pichets dans la plupart des cas.

Au 1er janvier de cette année 2021, c’était au tour des pailles, piques à steak, couvercles à verre jetables, assiettes avec un film plastique, couverts et bâtonnets mélangeurs d’être interdits.

Au plus tard le 1er janvier 2025, ce sont les contenants de cuisson, réchauffe et service en plastique en restauration collective scolaire qui ne pourront plus être utilisés au profit de contenants inertes et durables. Néanmoins, un délai supplémentaire de 3 ans existe déjà pour les communes de moins de 2.000 habitants.

Il y a deux ans en juin 2019, l’association nationale des directeurs de la restauration collective (AGORES), à travers un groupe de travail sur les alternatives aux plastiques publiait un Livre Blanc dans lequel des recommandations et propositions étaient faites suite à la loi Egalim. Il est notamment écrit que « La prise de conscience est générale au sein de la profession », mais elle n’en sera rien sans les pouvoirs publics puisque « les professionnels de la restauration collective attendent un accompagnement fort des pouvoirs publics ».

 

Dans une cuisine centrale ou dans un restaurant satellite, c’est en liaison froide (consommation des repas jusqu’à 5 jours) que l’utilisation de plastique à usage unique est la plus importante. On les retrouve tout au long de la chaine ; la cuisson, le transport jusqu’au service.

Cependant, les études de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES) démontrent que même à froid, il y a des risques de contaminations des aliments à destination des enfants, élèves, par les perturbateurs endocriniens. A chaud, le risque est très élevé et cela s’aggrave si le plastique est détérioré, usé.

Cette transformation nécessite des investissements parfois conséquents, toute la chaîne de production et de service doit probablement être repensée, du mode de cuisson au refroidissement, de la logistique au stockage, etc. Face à ces dépenses, ce sont des réductions importantes quant à la gestion des déchets plastiques, qu’elles soient directes en n’ayant plus de collecte, stockage et traitement à réaliser, et indirectes grâce à la réduction de la pollution des eaux, de l’air et des sols.

Changer pour des solutions réutilisables et sans plastique à usage unique

Dans cet engagement, nous appelons à réduire l’utilisation des plastiques à usage unique dans les restaurants scolaires. Néanmoins, chaque restaurant a une utilisation différente de ces plastiques, la situation n’étant pas uniforme en fonction des zones territoriales ou selon les décisions prises dans le but de réduire les coûts.

La commande publique contractualisée par les collectivités est un levier majeur pour l’environnement, puisqu’en 2018 elle représentait 31 milliards d’euros soit 30% du montant global des marchés publics. Cependant, seuls 13% de ces commandes intègrent des clauses environnementales, ce qui, chacun le concèdera, est trop peu.

En premier lieu, il faut réaliser un état des lieux des PPUU achetés, puis préparer dès que possible les futures échéances en bannissant les PPUU qui vont être interdits. Ces décisions nécessitent de joindre les prestataires et les fournisseurs dans cette transformation.

Dans les restaurants, c’est un état des lieux à réaliser sur l’origine et la quantité des PPUU utilisés, permettant d’étudier et d’identifier les impacts financiers, tout en réalisant un inventaire réflexif des pratiques et usages afin d’associer le personnel.

Dans le Plan de Maîtrise Sanitaire, il est possible d’ajouter les migrations chimiques des perturbateurs endocriniens et autres éléments nocifs qui constituent les plastiques.

Les alternatives sont connues, identifiées et des études ont déjà été réalisées pour certaines. Par exemple, le groupe de travail RECOLIM (Entreprise Uzaje et trois syndicats intercommunaux de restauration collective) a déterminé le verre, l’acier inoxydable et la céramique comme substituts aux plastiques.

Ces changements de matériels induisent une adaptation des méthodes, comme l’augmentation des rotations de camions de livraison, ou encore un nouvel aménagement des locaux, notamment pour le stockage.

De même, ces alternatives nécessitent la mise en place d’une solution de lavage. Le choix d’engager des moyens humains pour laver ces contenants ou de confier cette mission a un prestataire industriel est à étudier, en fonction des possibilités et facilités territoriales.

Pour reprendre l’exemple de Strasbourg, puisque l’adhésion des personnels est essentielle dans ce projet, la ville a décidé d’engager un ergonome afin d’accompagner les équipes dans cette transformation entrainant un impact non négligeable dans les missions quotidienne.

L’un des points non négligeables est l’acceptabilité du changement, pouvant être mesurée à travers le retour des élèves, des parents et de tous les agents de la chaine. En somme, l’étude du groupe de travail RECOLIM décrit des retours très positifs puisque « La présentation des préparations dans les plats en inox et en verre est valorisée et très appréciée par tous. Du côté des agents de production, livreurs et agents d’office, ce changement bouleverse leurs habitudes et leurs pratiques mais tous restent motivés et volontaires pour la poursuite du projet. ».

De même que des gestes ou décisions simples sont possibles, comme par exemple favoriser la consommation de l’eau du robinet, équiper les services de carafes et verres si ce n’est pas encore le cas, équiper les agents de gourdes, paramétrer les machines à café afin qu’elles acceptent les tasses, ou encore proposer dans les distributeurs de snacking des produits zéro déchet etc. Ce sont des décisions réalisables en peu de temps, changeant radicalement les comportements, habitudes et réduisant la pollution.

Plastique biosourcé, une réelle alternative ?

Depuis quelques temps, nous entendons tous parler des plastiques biosourcés, « biodégradables » en pensant que cela pourrait être un bon compromis. Ces matières sont prônées par de nombreux fabricants et fournisseurs dans la restauration, étant une solution économique. Ces produits nécessitent en effet aucun changement dans les habitudes de travail des agents, aucuns travaux d’aménagement et peu d’investissement dans du matériel de cuisine pour s’y adapter.

La tentation d’y céder est donc légitime.

Seulement, ces produits restent des plastiques, c’est-à-dire des additifs et polymères qui ne traitent en rien les problèmes de santé et d’environnement.

La réglementation européenne dispose que le plastique est comme un « matériau constitué d’un polymère […] auquel des additifs ou autres substances peuvent avoir été ajoutés, qui peut jouer le rôle de composant structurel principal de produits finaux, à l’exception des polymères naturels qui n’ont pas été chimiquement modifiés. »

Ces produits ne sont donc pas conformes à la législation, tant qu’ils ne comportent pas de polymères naturels non chimiquement modifiés.

Faisons-le ensemble

Abandonner le plastique dans la restauration collective, c’est quitter un modèle de restauration qui a été promu pendant des dizaines d’années, par de multiples arguments mais qui ne sont plus appropriés aux connaissances et attentes d’aujourd’hui.

Grâce à la pression d’associations, de parents d’élèves, plusieurs collectivités ont fait le pas de quitter le plastique dans les restaurants scolaires. C’est un choix de raison quand on connait les atteintes à notre santé et à l’environnement. Ces décisions prisent font l’unanimité entre les usagers, les parents et les médias qui relèvent le rôle décisif des élus.

Travaillons tous ensemble, échangeons entre élus, pouvoir public, associations, parents d’élèves, fournisseurs et prestataires pour adapter notre modèle à une gestion plus respectueuse de chacun. Les industriels sont indispensables dans cette transition car la nouvelle demande va ouvrir la voie à un nouveau marché, celui des contenants réemployables.

Avis aux mairies, cet article vous concerne aussi, l’exemple de nombreuses communes ne doit pas rester isolé, puisqu’elles démontrent que c’est possible à toutes les échelles où seule la volonté politique fera changer les choses.

Lors des dernières élections et dans les programmes pour ces départementales et régionales, les candidats et élus souhaitent un soutien aux circuits courts et l’augmentation du bio dans les assiettes des enfants, c’est très bien, mais quelle incohérence que de servir du bio dans du plastique !

Nos sources :

Adélaïde Tenaglia. Recyclés, incinérés… Que fait la France de ses déchets plastiques ?. LeParisien. 8 juin 2019. Disponible sur

https://www.leparisien.fr/environnement/recycles-incineres-que-fait-la-france-de-ses-dechets-plastiques-08-06-2019-8089176.php

ADEME – Agence de la Transition Ecologique. Freins et leviers pour une restauration collective scolaire plus durable. Février 2021. Disponible sur

https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/freins-leviers-restauration-scolaire-durable-2021_rapport.pdf

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Disponible sur

https://www.anses.fr/fr/content/travaux-et-implication-de-lanses-sur-les-perturbateurs-endocriniens#effets

AGORES. Les alternatives aux conditionnements en plastique dans la restauration collective. Livre Blanc. 2019. Disponible sur

https://www.agores.asso.fr/docs/Extranet/Ressources_en_ligne/Groupes_de_travail/GTPlastiques/livre_blanc_2019/livreblanc_abstract_pages.pdf

Bastien Bougeard. Indre-Et-Loire : Le plastique Disparaît des cantines de Saint-Cyr-Sur-Loire. Alouette. 5 octobre 2020. Disponible sur

https://www.alouette.fr/news/indre-et-loire-le-plastique-disparait-des-cantines-de-saint-cyr-sur-loire-8546

Laura Parker. 91% des déchets plastiques ne sont pas recyclés. National Geographic. Le 5 novembre 2020. Disponible sur

https://www.nationalgeographic.fr/environnement/91-des-dechets-plastiques-ne-sont-pas-recycles

Lydie Anastassion. Fin des barquettes en plastique à la cantine : RECOLIM fait un point d’étape. Restaurant 21. 30 novembre 2020. Disponible sur

https://www.restauration21.fr/restauration21/2020/11/fin-des-barquettes-en-plastique-%C3%A0-la-cantine-recolim-fait-un-point-d%C3%A9tape.html

Morgan Boëdec. Retrait du plastique : la restauration collective en première ligne. Banque des territoires. 9 janvier 2020. Disponible sur

https://www.banquedesterritoires.fr/retrait-du-plastique-la-restauration-collective-en-premiere-ligne

RECOLIM (Groupe de travail de l’entreprise Uzaje et des syndicats Siresco, Sivuresc et Syrec). Transition pour des contenants réemployables en restauration collective. 2020. Disponible sur

https://uzaje.com/wp-content/uploads/2020/02/Brochure-RECOLIM.pdf

Santé Publique France. Disponible sur

https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/exposition-a-des-substances-chimiques/perturbateurs-endocriniens/articles/que-sait-on-des-effets-des-perturbateurs-endocriniens-sur-la-sante

WWF. Territoires Zéro Pollution Plastique. Dirigé par Pierre Cannet et Caroline Longin. Septembre 2020. Disponible sur

https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020-09/20200920_Guide_Territoires-Z%C3%A9ro-Pollution-Plastique_WWF.pdf

Et pour continuer :

Grand Paris, Institut National de l’Economie Circulaire et l’Observatoire des Achats Responsables. Les 10 étapes pour intégrer l’économie circulaire dans ses achats. Juillet 2020. Disponible sur

https://institut-economie-circulaire.fr/wp-content/uploads/2020/07/guideoperationnelprogrammeachats.pdf

Mairie de Paris. Etat des lieux des contenants alimentaires plastique en restauration collective parisienne. 27 mai 2019. Disponible sur

https://www.api-site.paris.fr/mairies/public/assets/2019%2F5%2FDEVE%2066%20RAPPORT.PDF